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Le jour où le monde a tourné

Lejouroulemondeatourne judithperrignon

Autrice : Judith Perrignon

Éditions Grasset

 

Quatrième de couverture :

« Le Royaume-Uni des années 1980. Les années Thatcher. Elles sortent toutes de là, les voix qui courent dans ce livre, elles plongent au creux de plaies toujours béantes, tissent un récit social, la chronique d’un pays, mais plus que cela, elles laissent voir le commencement de l’époque dans laquelle nous vivons et dont nous ne savons plus comment sortir. 
C’est l’histoire d’un spasme idéologique, doublé d’une poussée technologique qui a bouleversé les vies. Ici s’achève ce que l’Occident avait tenté de créer pour panser les plaies de deux guerres mondiales. Ici commence aujourd’hui  : les SOS des hôpitaux. La police devenu force paramilitaire. L’information tombée aux mains de magnats multimilliardaires. La suspicion sur la dépense publique quand l’individu est poussé à s’endetter jusqu’à rendre gorge. La stigmatisation de populations entières devenues ennemis de l’intérieur.
Londres. Birmingham. Sheffield, Barnsley. Liverpool. Belfast. Ancien ministre. Leader d’opposition. Conseiller politique. Journaliste. Ecrivain. Mineur. Activistes irlandais. Voici des paroles souvent brutes qui s’enchâssent, s’opposent et se croisent. Comment ne pas entendre ces quelques mots simples venus aux lèvres de l’ancien mineur Chris Kitchen comme de l’écrivain David Lodge : une société moins humaine était en gestation ? 
Comment ne pas constater que le capitalisme qui prétendait alors incarner le monde libre face au bloc soviétique en plein délitement, est aujourd’hui en train de tuer la démocratie ?
Quand la mémoire prend forme, il est peut-être trop tard, mais il est toujours temps de comprendre. » J.P.

 

Mon avis :

Tout a commencé lorsque j’ai écouté le replay d’Affaires Sensibles (une émission de Fabrice Drouelle diffusée sur France Inter et dispo ici : https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-16-juin-2020) « Bobby Sands, destin tragique d’un héros de l’indépendance Irlandaise ». Il y était question de Margaret Tatcher, Première ministre britannique de l’époque surnommée « la dame de fer ». Lorsque les détenus de l’IRA demandent le statut de prisonniers politiques, elle refuse. Une première grève débute alors pour ces hommes : ils se déshabillent et restent donc enroulés dans leur couverture été comme hiver pour revendiquer (entre autres bien sûr) leur droit à porter des vêtements civils et non la tenue de prisonnier de droit commun. Ils demeurent des années ainsi. S’en suivent une grève de l’hygiène, puis une grève de la faim. Margaret Tatcher finit par « céder » et leur fait envoyer… des habits de clown. Des tee-shirts à pois, des chaussures vertes, des bretelles… Bref, des fringues qui pourraient servir de déguisements. Bien plus tard, des fonctionnaires proches de la Première ministre avoueront qu’elle voulait les humilier.

 

Je me suis alors demandé comment cette femme avait pu arriver au pouvoir en Grande-Bretagne et y rester plus de dix ans. Vous vous en doutez, lorsque j’ai vu passer ce service presse sur NetGalley, j’ai sauté sur l’occasion.

 

« Le jour où le monde a tourné » est une sorte de recueil de témoignages de diverses personnes qui ont gravité autour de Margaret Tatcher et de citoyens qui ont vécu sous son ère. Car oui, madame Tatcher a changé la vie même des Britanniques et nous parlons bien ici « d’ère ». Il y a un avant et un après Tatcher. Ce que le récit s’emploie évidemment à démontrer grâce à de judicieux allers-retours passé/présent.

 

Il ne s’agit pourtant pas de prendre parti, bien que Judith Perrignon (qui excelle dans les descriptions succinctes terriblement poignantes) laisse parfois entrevoir son avis concernant les conséquences actuelles des choix de madame Tatcher. Ces détails ne gênent en rien la lecture, bien au contraire, ils alimentent le flot de réflexions des différents témoignages exposés. L’alternance des points de vue (pour rester très binaire : « pour » ou « contre » Margaret Tatcher et sa politique) devient un trésor afin de se forger sa propre opinion et comprendre la politique libérale, voire néo-libérale. Une fois encore, il ne s’agit pas ici de démonter ou d’encenser un courant économique, mais de mettre en lumière la façon de penser de ceux et celles qui le soutiennent ou non. En cette période d’élection présidentielle, j’ai d’autant plus apprécié ma lecture !

 

Si plusieurs témoins reviennent plus ou moins régulièrement, j’ai eu du mal à retenir d’emblée leurs noms et donc à les resituer par rapport à Margaret Tatcher. Pour une novice telle que moi, avoir une parenthèse rappelant les rôles des uns et des autres à côté des noms en début de témoignage aurait été d’une bonne aide ! Cela dit, au bout de quelques lignes de lecture, nous nous rendons vite compte du bord de la personne interviewée ! Margaret Tatcher semble avoir laissé une trace indélébile sur ses concitoyens et ses partenaires ou opposants politiques. Les anecdotes, les impressions, le quotidien… J’ai aimé en apprendre autant.

 

Les différents évènements marquants de son mandat sont abordés grâce à un judicieux découpage du livre. La brièveté des témoignages et leur alternance offrent un récit dynamique qui se lit rapidement. La fougue de Judith Perrignon point sous ses mots sélectionnés avec soin, permettant ainsi au lecteur et à la lectrice de la suivre, elle et son équipe, au gré de leur voyage à travers la Grande-Bretagne.

 

Une excellente lecture que je vous recommande chaudement.

 

 

*Iléana*

 

 

Je remercie les ֤Éditions Grasset et NetGalley pour ce service presse.

Pour acheter « Le jour où le monde a tourné », suivez le lien.

 

Extrait de Judith Perrignon :

« Lorsqu’elle quitte le pouvoir, le monde a changé. Le mur de Berlin est tombé. L’Empire soviétique s’est effondré. Le bloc capitaliste triomphe de la guerre froide. C’est un véritable rouleau compresseur. Il exulte. S’étend. Démultiplie ses gains. S’est affranchi du dernier frein : l’État et sa régulation.

Et puis Microsoft a commercialisé sa première souris.

Le charbon est fini.

Des métiers disparaissent. Des vieux quartiers aussi.

C’est l’apparition du management.

D’un nouveau langage. Les mots fondent au profit d’obscurs sigles.

Les chiffres triomphent. Courbes d’audience à la télé. Élevage intensif dans les campagnes. Rendement imposé à l’hôpital. »

 

Extrait de l’entretien avec Kenneth Clarke (ancien ministre de Margaret Tatcher) :

« Elle ne regardait jamais les sondages. Elle ne lisait pas les journaux. Elle n’en avait pas besoin, elle savait ce qui se passait. Elle ne s’est jamais entourée d’une armée de sondeurs et d’une équipe de campagne comme ça se fait aujourd’hui. On n’a pas besoin de ça pour gouverner un pays ou choisir une politique. Nos discussions portaient uniquement sur les meilleures façons de réformer et de moderniser le pays. Elle n’a jamais laissé les médias l’influencer sur ces questions. »

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